Le collectif vaudois de la Grève féministe réaffirme sa solidarité féministe et internationaliste avec le peuple palestinien

Depuis plusieurs mois, notre mouvement est visé par des propos diffamatoires qui ont pour objectif de réduire au silence notre solidarité avec la Palestine. Cette situation fait écho à une campagne, s’inscrivant dans un contexte international plus large, de déshumanisation du peuple palestinien. Ce climat favorise la montée des discriminations antisémites et islamophobes, tout en renforçant le racisme systémique, dont la Suisse n’est pas exempte. Forte·x·s de notre approche féministe internationaliste, nous revendiquons un cessez-le-feu immédiat et permanent et dénonçons la position du gouvernement suisse. Ce dernier, non seulement, soutient l’État colonial d’Israël, mais a aussi suspendu une partie de son financement de l’UNRWA («Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient»). Nous affirmons la nécessité d’agir pour la justice, la paix et l’assurance d’une vie digne pour le peuple palestinien, le peuple israélien ainsi que pour les peuples du monde entier.

Alors que la Cour internationale de Justice (CIJ) a exigé d’Israël en janvier et mars 2024 des mesures pour empêcher tout « acte de génocide » et que la Rapporteuse spéciale de l’ONU, Mme Albanese, dénonce en mars 2024 des « actes génocidaires » (1), nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et permanent. Il est inadmissible que l’État d’Israël continue d’ignorer le droit international et les résolutions en découlant. Aujourd’hui, alors que les chiffres ne rendent pas compte de ce que traverse le peuple palestinien, ce sont plus de 30’000 vies palestiniennes qui ont été arrachées, 70’000 personnes blessées, depuis le 7 octobre 2023 (2). Si, d’un point de vue global, il est nécessaire d’appliquer des mesures de boycott diplomatique, institutionnel et économique à l’encontre de l’État d’Israël, il est impératif de dénoncer, en Suisse, la complicité à l’égard de l’État d’Israël, se traduisant notamment par la collaboration entre les institutions suisses et l’industrie d’armement israélienne (3).

En tant que féministes, nous défendons le droit à une vie digne, sans domination, pour la population palestinienne, israélienne et pour toutes les minorités ethniques. Pour traduire dans les faits ce qui précède, nous demandons la libération de tous·te·x les otages retenu·e·x·s à Gaza, ainsi que de tous·te·x les prisonnier·ère·x·s politiques palestinien·ne·x·s. L’apartheid et la colonisation ont été fermement condamnés par de nombreuses organisations des sociétés civiles palestiniennes et israéliennes, par des ONG de protection des droits humains (Amnesty International, Human Rights Watch), par le droit international (rapports de l’ONU, résolutions de l’ONU), ainsi que par notre collectif.

L’UNRWA est la seule organisation apte à fournir efficacement la distribution de nourriture, de produits d’hygiène et autres biens de première nécessité dans la Bande de Gaza. Son financement a été coupé par plusieurs États, dont la Suisse, après qu’Israël ait accusé 12 des collaborateur·ice·x·s d’UNRWA d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre (4). Alors qu’Israël n’a fourni aucune preuve de ses accusations, la suspension du financement a été dénoncée, à juste titre, par de nombreuses organisations et collectifs, dont le nôtre. Couper le soutien financier à l’UNRWA signifie concrètement couper l’accès aux droits fondamentaux élémentaires à une population rendue vulnérable par le blocus imposé par Israël depuis 2007. L’utilisation de la famine contre la population gazaouie constitue un crime de guerre. Le Conseil fédéral doit débloquer immédiatement l’intégralité des fonds pour l’UNRWA.

Nous dénonçons toute démarche d’instrumentalisation de notre solidarité avec la Palestine ainsi que de notre critique de l’État d’Israël, les présentant comme des actes antisémites. Nos détracteur·ice·x·s visent à semer la confusion entre l’antisionisme et l’antisémitisme. Or, critiquer les structures discriminatoires, mises en place par le gouvernement israélien n’est pas faire preuve de racisme envers la population juive dans la diaspora ou en Israël. Notre critique dénonce les mécanismes institutionnels israéliens reposant eux-mêmes sur la hiérarchisation raciale, qui conditionnent tous les aspects de la vie à l’appartenance religieuse et ethnique (5).

Nous soulignons que notre solidarité avec la lutte du peuple palestinien pour sa libération va de pair avec la condamnation la plus sévère de toute forme de racisme, dont l’antisémitisme fait partie (6). La lutte contre l’antisémitisme implique aussi un devoir de mémoire (7) de la Shoah, c’est-à-dire de la persécution et de l’extermination des juif·ve·x·s par l’Allemagne nazie et ses alliés et collaborateurs en Europe lors de la Deuxième guerre mondiale. Toutefois, ni ce devoir de mémoire ni la lutte contre l’antisémitisme n’exemptent l’État d’Israël de toute contestation. Il est urgent de combattre toute tentative de criminaliser et discriminer le soutien au peuple palestinien, en le faisant passer pour de l’antisémitisme.

Dans toutes les guerres, les violences sexistes et sexuelles, dont le viol, sont utilisées en tant qu’armes de guerre, ce qui exige la condamnation la plus ferme. Notre compassion ne s’arrête pas d’un côté ou de l’autre de la barrière de Gaza. Elle va à toutes les victimes. Une vie palestinienne vaut autant qu’une vie israélienne. Les crimes de guerre, parmi lesquels les violences sexuelles, nécessitent que justice soit rendue à toutes les victimes. Notre engagement féministe internationaliste s’adresse à toutes les personnes qui vivent dans des pays en guerre et qui sont violentées ou persécutées en raison de leur genre et/ou de leur orientation sexuelle. En revanche, nous dénonçons l’utilisation de la lutte pour la libération queer et féministe à des fins coloniales et racistes, qui s’accompagne d’un processus de déshumanisation et de barbarisation des hommes arabes et/ou musulmans.

Cette année, lors de la Journée internationale des luttes féministes, nous avons mis l’accent sur la question palestinienne (8). Nous avions fait de même en 2023, lorsque nous avons marqué notre soutien au mouvement « Femmes, Vie, Liberté » en Iran, comme en 2022, lorsque nous avons soutenu la résistance ukrainienne et propagé l’appel des féministes russes contre la guerre. Lors de chacune de ces manifestations, nous avons donné la parole aux collectifs et aux personnes luttant sur ces questions. Toutefois, c’est uniquement notre soutien à la Palestine qui a été questionné et critiqué. Si cela n’est pas sans nous interpeler, cela ne nous étonne que peu.

En tant que mouvement féministe, nous sommes particulièrement touchées par la situation des femmes à Gaza, qui sont confrontées à des conditions de vie insoutenables à cause du blocus et du manque d’eau : l’accès à l’hygiène est compromis, la précarité menstruelle les frappe, des enfants meurent de soif et de déshydratation. La destruction des hôpitaux et l’effondrement du système de santé entrainent des conséquences néfastes pour les femmes enceintes, qui doivent accoucher dans des conditions inimaginables. Le manque de nourriture, voire la famine, est dramatique pour tout le monde, mais doublement pour les femmes enceintes et qui allaitent. Et tant de mères sont endeuillées par la perte de leurs enfants, massacrés par l’armée israélienne. Face à l’enfer qu’elles vivent, face au massacre de tout un peuple, peu importe le degré des attaques que nous avons ou allons subir, nous ne nous laisserons pas réduire au silence. Notre parole, unie à celles de toutes les voix qui se lèvent dans le monde, porte la revendication légitime d’un cessez-le feu immédiat et permanent et l’espoir de tout un peuple de vivre un jour en paix.

1) Cour internationale de justice, ordonnance du 26 janvier 2024, Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël). Demande en indication de mesures conservatoires [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20240126-ord-01-00-fr.pdf [consulté le 2 avril 2024].

Anatomy of a Genocide – Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the
Palestinian territory occupied since 1967 to Human Rights Council – Advance unedited version
(A/HRC/55/73). Question of Palestine [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.un.org/unispal/document/anatomy-of-a-genocide-report-of-the-special-rapporteur-on-the-situation-of-human-rights-in-the-palestinian-territory-occupied-since-1967-to-human-rights-council-advance-unedited-version-a-hrc-55/ [consulté le 2 avril 2024].

2) Article de Nouvel Obs du 1er avril 2024, « La guerre a fait 32 845 morts à Gaza, selon le ministère de la
Santé du Hamas» [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.nouvelobs.com/monde/20240401.OBS86519/la-guerre-a-fait-32-845-morts-a-gaza-selon-le-ministere-de-la-sante-du-hamas.html [consulté le 4 mai 2024].

3) Article d’Unipoly du 13 février 2024, « EPFL, le mythe de la neutralité ou comment l’école a aidé Israël à développer des armes ». Disponible à l’adresse : https://journal.unipoly.ch/2024/02/13/epfl-le-mythe-de-la-neutralite-ou-comment-lecole-a-aide-israel-a-developper-des-armes/ [consulté le 4 mai 2024].

4) Amnesty International Suisse, communiqué de presse du 1er mars 2024, « L’aide de l’UNRWA est vitale pour Gaza! », [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.amnesty.ch/fr/pays/moyen-orient-%20afrique-du-nord/israel-et-territoires-occupes/docs/2024/l-aide-de-l-unrwa-est-vitale-pour-gaza [consulté le 29 mars 2024].

5) L’État d’Israël a établi un système de discrimination légale vers la population palestinienne, y compris les citoyen·ne· x·s arabes d’Israël, environ 20% de la population. Rapport sur le système d’apartheid par Amnesty International. Disponible à l’adresse : https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2022/02/israels-system-of-apartheid/, base de données des lois discriminatoires, disponible à l’adresse : https://www.adalah.org/en/content/view/7771 [consulté le 4 mai 2024].

6) L’appel à la grève féministe du 14 juin 2023 voté lors des Assises nationales du 4 mars 2023 à Fribourg
[en ligne] : « La lutte contre l’antisémitisme fait notamment partie des revendications du mouvement Grève féministe dans toute la Suisse pour le 14 juin 2023 ». Disponible à l’adresse : Appel à la grève le 14 juin 2023 – Coordination romande des collectifs de la Grève féministe [consulté
le 1er avril 2024

7) L’article de 24 heures, « L’invitée: critiquer Israël et le devoir de mémoire à la Shoah », [en ligne] 19 mars 2024 [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.24heures.ch/linvitee-critiquer-israel-et-le-devoir-de-memoire-a-la-shoah-165664102707 [consulté le 29 mars 2024].

8) Le discours prononcé lors de la Manifestation du 8 mars 2024 à Lausanne, [en ligne] 8 MARS: MANIFESTATION POUR LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES LUTTES FÉMINISTES – Grève Féministe Vaud (grevefeministe-vd.ch) [consulté le 29 mars 2024].

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