GRÈVE AU TRAVAIL: Comment faire? Comment participer?

QUELS SONT VOS DROITS?
Version pdf
Version pdf brochure

1. LA GRÈVE , C’EST QUOI ?
Faire la grève, c’est ne pas effectuer une prestation habituelle afin d’obtenir un changement dans une situation. Ainsi et comme en 1991 et en 2019, les féministes ne feront pas les tâches reposant habituellement sur leurs épaules : du travail de care non rémunéré au travail rémunéré. Ce sera une journée d’actions, de grève et de réunions auxquelles sont conviées toutes les personnes soutenant les revendications féministes. Ne pas effectuer une prestation habituelle, c’est surtout faire la grève au travail. C’est refuser d’effectuer sa prestation de travail envers son employeur-euse, parce que les revendications pour la grève féministe portent aussi sur des questions de droit du travail (égalité salariale, lutte contre le harcèlement sexuel, discriminations sexistes, réduction du temps de travail, congé parental). La grève est avant tout un droit syndical fondamental pour chaque travailleur-euse. C’est un moyen d’action collectif pour obtenir des améliorations des conditions de travail et influencer
la gestion de l’entreprise. En Suisse, les conditions de licéité d’une grève sont inscrites depuis 1999 à l’art. 28 al. 3 et 4 de la Constitution fédérale, avec la garantie de la liberté syndicale :

Article 3: La grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation.
Article 4: La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes.

2. LE NOMBRE EST NOTRE FORCE
Comme en 1991, le nombre de femmes* qui feront grève, manifesteront et participeront aux actions vont faire augmenter la pression sur les employeur-se-s qui voudraient empêcher les travailleuses de participer à la grève, ou les sanctionner. Parce que nous sommes aussi des juristes, des avocates et des syndicalistes en plus d’être des militantes de terrain, nous avons choisi de présenter les conditions de la grève licite afin que chaque femme* qui souhaite participer puisse évaluer les risques à prendre et le moyen d’action le plus adéquat dans son entreprise ou chez son employeur-euse. Nous espérons que ce petit guide répondra à cette fonction. Le 14 juin 2019 sera un jour où tout ne se déroulera pas comme d’habitude. Ce sera l’occasion de se mobiliser de plusieurs façons. Nous vous invitons à vous organiser le plus tôt possible à vous coordonner avec vos collègues de travail, discuter de vos revendications, et contacter un syndicat pour faire le lien avec votre employeur-euse en cas d’arrêt de travail.

3. FAIRE LA GRÈVE AU TRAVAIL EN RESPECTANT LES CONDITIONS LÉGALES … COMMENT FAIRE ?
En Suisse, les sources du droit sont la Constitution, les lois et les règlements, mais aussi les jugements rendus par les tribunaux, qu’on appelle jurisprudence. Pour connaître les conditions légales d’une grève licite, il faut donc chercher comment le Tribunal a interprété l’article 28 de la Constitution suisse. Il existe actuellement quatre conditions à respecter :

  • LA GRÈVE CONCERNE LES RELATIONS DE TRAVAIL: La grève doit porter sur des revendications pour lesquelles l’employeur-euse peut agir, être en rapport avec les conditions de travail pratiquées dans l’entreprise.
  • LA GRÈVE NE VIOLE PAS LA PAIX DU TRAVAIL ÉTABLIE PAR LA LOI OU PAR UNE CONVENTION COLLECTIVE: La paix du travail établie par la loi est celle dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population, tels que les hôpitaux ou la police (service minimum). La paix du travail établie par une Convention collective de travail (CCT) est négociée entre une organisation de travailleuses et de travailleurs et une organisation patronale (voir encart ci-dessous).
  • LA GRÈVE EST LE DERNIER RECOURS ET RESPECTE LA PROPORTIONNALITÉ: Lorsque tout a été tenté pour maintenir le dialogue avec l’employeur-euse, sans résultat et que les revendications qui lui ont déjà été présentées n’ont pas été acceptées, alors la proportionnalité est respectée.
  • LA GRÈVE EST SOUTENUE PAR UNE ORGANISATION DE TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS: L’employeur-euse doit avoir un-e interlocuteur-trice organisé-e à qui s’adresser, généralement une organisation syndicale. La grande majorité des syndicats genevois soutiennent la grève féministe et l’Union Syndicale Suisse la soutient également au niveau national. D’autre part, les membres des syndicats ont accès à un fond de grève pour indemniser partiellement la perte de salaire liée à l’exercice à l’arrêt du travail.

LA PAIX DU TRAVAIL PREVUE PAR UNE CCT
Il existe une distinction entre la paix relative et la paix absolue du travail. Dans le cas de l’obligation relative de maintien de la paix, chaque partie à une CCT a l’obligation de s’abstenir de tout moyen de combat, grève incluse, quant aux matières réglées dans ladite convention. Des revendications en lien avec des augmentations salariales ou une réduction du temps de travail seraient par exemple exclus. A la différence de la paix relative du travail, la paix absolue s’étend également aux matières qui ne sont pas réglées dans la convention. Cette paix absolue doit toutefois être expressément prévue dans celle-ci. Partant, s’il existe des doutes, toute clause qui n’est pas claire sera interprétée en faveur de la liberté syndicale. En d’autres termes, c’est la paix relative qui sera retenue. Quelques CCT dont le champ d’application est étendu à l’ensemble des employeurs-ses et des travailleurs-ses appartenant à la branche ou à la profession visée, par le biais d’une déclaration d’extension (« CCT étendues »), prévoient expressément la paix absolue du travail, comme par exemple la Convention nationale pour la branche des coiffeurs, la Convention collective pour la branche de la sécurité privée et la Convention collective du secteur de la boulangerie-pâtisserie-confiserie artisanale suisse. D’autres CCT étendues font référence à la paix relative du travail comme la Convention collective romande du nettoyage des textiles ou la Convention collective de l’industrie suisse du meuble. Enfin, la formulation dans certaines CCT étendues n’est pas assez claire pour pouvoir en déduire une paix absolue du travail comme la Convention collective des shops de station-service.

4. FAIRE LA GRÈVE , QUELLES CONSÉQUENCES ?
La grève suspend les obligations contractuelles des parties au contrat de travail : le travailleur ou la travailleuse n’effectuera pas sa prestation de travail et l’employeur-euse ne lui devra pas de salaire pour le jour ou pour les heures de grève. La grève licite ne met pas fin au contrat de travail : la reprise du travail des grévistes après une suspension des rapports de travail est garantie. L’employeur-euse ne peut pas licencier la travailleuse qui a participé à une grève licite. Un licenciement prononcé à la suite d’une telle grève est un congé abusif selon le code des obligations (art. 336 al. 1 et 2 CO). Le droit suisse ne prévoit pas un droit à la réintégration dans l’entreprise, mais un tribunal peut constater l’illicéité du licenciement et une demande d’indemnité jusqu’à six mois de salaire peut être demandée. Faire une pause prolongée, ouvrir un magasin plus tard ou partir plus tôt, est déjà une grève ? Il faut être prudente et évaluer au cas par cas quelle pourrait être la réaction patronale. Plus le nombre de travailleurs-euses à pratiquer une pause prolongée ou à retarder l’ouverture d’un magasin est élevé, mieux c’est. Si un-e employeur-euse cherche à sanctionner des travailleurs-euses après leur participation au 14 juin 2019, sous quelque forme que ce soit, il est possible de consulter les différentes permanences juridiques qui existent (cf. adresses utiles).

5. COMMENT JE PEUX PARTICIPER AUTREMENT À LA GRÈVE ?
Dans les cas où les personnes ne peuvent pas faire grève parce que le risque est trop grand ou que l’emploi requiert un service minimum obligatoire (santé, police) ou parce que l’une des conditions légales n’est pas remplie, il y a toujours des possibilités de participer. Pour le cas particulier de la grève féministe, les actions suivantes permettent de montrer son adhésion aux revendications de la grève féministe sans pour autant cesser le travail à proprement parler:

  • Porter un vêtement aux couleurs de la grève
  • Porter un badge particulier
  • Croiser les bras plusieurs minutes
  • Ne pas répondre aux mails ou au téléphone
  • Distribuer des tracts d’information sur la grève
  • Donner des informations sur la grève pendant le travail
  • S’autoriser des prises de pauses plus longues
  • La participation physique aux manifestations et piquets de grève du 14 juin en dehors de son temps de travail est aussi une façon de participer à la grève.
  • La mise en place d’une journée à thème sur la grève féministe sur le lieu de travail à la place de faire la grève est aussi possible.
  • La participation à la grève féministe ne touche pas que le monde du travail. Il est aussi question de faire la grève des tâches habituelles, par exemple les tâches domestiques ou grève de la consommation.

6. COMMENT M ’ INFORMER AVANT ET APRÈS LA GRÈVE ? COMMENT TROUVER DU MATÉRIEL ?
À tout moment, les syndicats et d’autres associations offrent des conseils juridiques aux personnes qui en ont besoin. Toutes les informations utiles se trouvent sous le chapitre “adresses utiles”.

S’inscrire à la liste de diffusion du secrétariat du Collectif vaudois de la grève féministe : inscription newsletter

Visiter l’AGENDA de la grève féministe Vaud

Instagram
Facebook
Twitter

7. GLOSSAIRE

DEBRAYAGE: Forme d’arrêt du travail mais pendant un laps de temps défini, souvent de courte durée. Ce n’est pas nécessairement une grève.

GREVE LICITE: Action/grève qui répond aux conditions posées par la loi.

LOCK OUT: Fermeture temporaire de l’entreprise par l’employeur-euse.

SERVICE MINIMUM: Assurer un service dans un emploi où la grève est interdite car l’emploi rend des services vitaux à la population et la sécurité. Par « services vitaux à la population », on entend ce qui pourrait porter atteinte à la vie humaine (par ex. hôpitaux, police, pompiers).

PIQUET DE GREVE: Groupe de grévistes installé-e-s à l’entrée d’un lieu de travail dans le but de dissuader les salariés non-grévistes de travailler et les informer des revendications des grévistes. Tenir des piquets fait partie du droit de grève.

REVENDICATIONS POLITIQUE: Viser à un changement de société et d’orientation
dans les décisions politiques par les instances dirigeantes d’un pays. Une grève peut être double et répondre à des objectifs en lien avec le contrat de travail, tout en soutenant d’autres revendications plus larges. Si les revendications sont uniquement politiques, une des conditions condition légale de la grève n’est pas remplie.

GREVE SAUVAGE: Grève décidée directement par les salariés sans passer par une organisation de travailleur-euses (syndicat) pour les représenter, et sans désigner d’interlocuteur-trice organisé-e à l’employeur-euse. Une grève sauvage ne remplit pas les conditions légales d’une grève licite.

GREVE SOLIDAIRE: Soutenir, par solidarité, les revendications d’une autre catégorie de salarié-e-s. C’est le cas des employé-e-s administratif-ve-s d’une société qui font grève pour soutenir leurs collègues employé-e-s sur le terrain. Si elle ne porte sur des revendications propres aux conditions de travail des grévistes, une des conditions légales de la grève licite manque.

8. ADRESSES UTILES

AJP: L’association des juristes progressistes peut vous renseigner. Toutes les informations utiles se trouvent à l’adresse suivante : https://jpvd.ch/

CSP: Une permanence juridique par téléphone est organisée les lundis et les jeudis dès 8h30.
Toutes les informations utiles se trouvent à l’adresse suivante : https://csp.ch/vaud/

F-information: Le service juridique de l’association organise des consultations
juridiques d’une heure sur rendez-vous ainsi que des permanences juridiques téléphoniques. Toutes les informations utiles se trouvent à l’adresse suivante : https://www.f-information.org/consultation-/consultations-juridiques

SSP-VPOD: (Syndicat des services publics pour les personnes qui travaillent dans le secteur public). Toutes les informations utiles se trouvent à l’adresse suivante : https://vaud.ssp-vpod.ch/

UNIA: Des permanences réservées aux membres du syndicat sont organisées. Toutes les informations utiles se trouvent à l’adresse suivante, sous l’onglet “prestations aux membres et CCT”. https://vaud.unia.ch/

9. QUELQUES LECTURES POUR ALLER PLUS LOIN
Étude du 11 avril 2016 sur la protection en cas de grève licite – Centre d’étude des Relations de travail de l’Université de Neuchâtel ;
Conventions OIT n° 87 et 98 ;
Publications du Comité de la liberté syndicale de l’OIT ;
Droit collectif du travail, ANDERMATT ET AL., Helbing Lichtenhahn, 2010.