Manifeste du collectif UNIL de la Grève féministe 2023
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Ce document a pour vocation de proposer une liste de mesures utiles à la création d’une
culture universitaire non discriminatoire au sens discuté par le collectif UNIL.
Nous souhaitons ces mesures comme représentant au mieux les différentes catégories
d’individus évoluant à l’UNIL et leur proposons une relecture critique de ces revendications.
Ces mesures sont soumises à l’Université de Lausanne, c’est à elle ensuite de les mettre en place pour assurer à touxtes un environnement le plus juste possible. Il est primordial que l’institution universitaire œuvre en incluant les personnes concernées, c’est-à-dire en les consultant pour réellement répondre à leurs besoins spécifiques, sans tout autant attendre de leur part de réaliser le travail à sa place.
Parce que les hautes écoles sont des lieux de vie comme les autres, nous proposons les
mesures suivantes :
1) La reconnaissance du travail parental et de care réalisé par les membres de la communauté UNIL.
Parce que la division du travail parental et de care reproduit des dynamiques de genre,
restreint les possibilités d’étude et de carrière, et n’est pas suffisamment prise en compte
dans les hautes écoles, nous demandons :
- La mise en place d’un congé parental d’au moins 1 an par personne et par enfant pour chaque personne chargée de l’éducation des enfants et indemnisé à 100% pour touxtes les collaborateur·ice·x·s y compris les professeur·e·x·s assistant·e·x·s, et les autres employé·e·x·s rémunéré·e·x·s à l’heure; ceci avec la possibilité d’avoir accès à un remplacement pendant le congé parental.
- Une offre de places en crèche à 100% pour les enfants des membres des corps étudiant, enseignant, administratif et technique, peu importe leur taux d’engagement; ainsi que la mise en place de gardes d’enfant prévues pour les déplacements professionnels ou les événements académiques ponctuels, et cela également pendant les vacances scolaires.
- La possibilité pour les employé·e·x·s, y compris celleux travaillant à temps partiel, de déterminer leurs horaires de travail librement en garantissant la flexibilité de la répartition des heures de travail dans la journée et dans la semaine.
- La mise en place d’un système de remplacement pré-négocié et activable rapidement.
- La mise en place d’un congé familial qui assure la prise en charge d’enfants ou de proches, selon la loi fédérale sur le travail.
- L’abandon de politiques managériales néolibérales, par exemple via l’utilisation du logiciel UniVac.
- Un accès inconditionnel aux études à temps partiel, ceci même en cours d’études, ainsi que la mise à disposition des cours en ligne enregistrés.
- L’abandon de l’injonction à la mobilité géographique dans les carrières académiques, qui reproduit des discriminations de genre.
- La mise en valeur et l’encouragement du concept de slow science.
- La mise en place de solutions d’urgence et de compensations financières en attendant l’application définitive et complète des points énoncés ci-dessus.
- Une meilleure visibilisation des mesures énoncées ci-dessus afin que tou·x·te·s puissent en avoir facilement connaissance, ainsi qu’un accès facile et rapide à celles-ci.
2) La promotion d’une communication respectueuse et la garantie d’espaces de travail et d’étude bienveillants et assurant la sécurité et l’inclusion des femmes, des personnes queer, racisées, en situation de handicap, précaires et issues de minorités religieuses à l’UNIL.
Parce que l’université est un lieu où s’articulent de multiples rapports de pouvoir, et que les
personnes subissant plusieurs oppressions font face à des discriminations souvent
invisibilisées, nous demandons :
- La mise en place de campagnes annuelles de sensibilisation contre le racisme et la queerphobie, ainsi que le soutien des associations du campus investies sur ces questions à travers l’octroi d’un budget dédié et la visibilité sur les canaux de diffusion de l’UNIL.
- Le choix pour les personnes trans et/ou non-binaire n’ayant pas officiellement changé de prénom d’utiliser leur prénom d’usage ou leur prénom officiel dans les documents administratifs de l’Université (factures, attestations d’études, courrier, etc.).
- La suppression dans l’ensemble des formulaires de l’institution des catégories “femme” et “homme” lorsque celles-ci ne permettent pas l’établissement de statistiques qui servent à réduire les discriminations, l’ajout de la mention “non-binaire” dans le cas contraire, ainsi que la suppression des formules de politesse “Madame/Monsieur” dans les communications officielles.
- La mise en place ou/et le maintien des efforts pour assurer aux membres de la communauté universitaire l’accès à des toilettes et vestiaires non genrés dans tous les bâtiments du campus.
- La promotion des rapports et/ou enquêtes réalisés à l’UNIL qui permettent de mettre en lumière les violences et les discriminations sur la base de l’appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, du genre, de l’orientation sexuelle et affective, du/des handicap(s) ou de la classe.
- La mise en place d’une formation obligatoire à l’écriture inclusive pour l’ensemble de la communauté.
- L’adoption de l’écriture inclusive dans tous les documents officiels de l’UNIL, selon le modèle suivant : forme masculine·e·x·s.
- La réalisation d’un vademecum sur la communication non discriminante et l’engagement des enseignant·e·x·s et chercheur·e·x·s d’en appliquer les principes dans toutes leurs interventions publiques.
- Une attention à ce que les mesures d’égalités entre les genres ne se fassent pas uniquement au bénéfice des femmes hégémoniques (cis, hétéro, blanches, valides et privilégiées), ni au détriment des personnes masculines non-hégémoniques (personnes handicapées, racisées, non-hétéro, transmasculines et/ou non-privilégiées).
3) L’éradication des violences sexistes, sexuelles et psychologiques sur le campus de l’UNIL.
Parce qu’un climat sexiste est une atteinte à la dignité et à l’intégrité des personnes qui le subissent et a des conséquences négatives directes sur leur santé, leurs relations sociales, leurs études et leurs carrières, nous demandons :
- L’obligation contractuelle pour les membres du corps enseignant ou administratif, en raison de leur statut hiérarchique, de faire remonter tout cas de violences sexistes, sexuelles ou psychologiques, qu’il ait été observé ou rapporté.
En consultation avec le collectif de la Grève Féministe et autres collectifs/associations du campus investies sur ces thématiques, et en allouant un budget dans le cas d’un partenariat: - La mise en place d’une formation en présentiel sur la prévention des violences sexistes, sexuelles et psychologiques. Celle-ci doit être obligatoire pour l’ensemble de la communauté
- La mise en place d’une séance d’information pour l’ensemble de la communauté sur les modes d’actions à prendre en cas de harcèlement, que ce soit en tant que témoin, victime ou auteur·ice·x.
- La mise en place de campagnes annuelles de sensibilisation contre les violences sexistes, sexuelles et psychologiques.
- La création par l’UNIL d’un espace d’écoute pour les personnes ayant subies des violences sexistes, sexuelles et psychologiques présentes sur le campus.
- Une meilleure visibilisation des ressources déjà existantes au sein de l’UNIL, notamment l’aide au signalement et l’accès à une aide juridique.
- La protection absolue de l’intégrité des victimes et leur implication dans le choix de mesures à prendre, dont les possibilités devraient s’étendre de mesures administratives dissuasives et qui assurent la sécurité de la victime à des dispositifs de justice transformatrice.
4) La promotion de l’égalité et de la lutte contre les discriminations comme axe prioritaire des enseignements et des recherches à l’UNIL
Parce que les hautes écoles sont à l’interface entre sciences et sociétés, et que la production et la diffusion des savoirs académiques sont des vecteurs de changement des représentations et d’éradication des stéréotypes, nous demandons :
- La mise en place d’un cours annuel obligatoire sur les enjeux de classe, de discrimination basée sur une appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, de genre, d’orientation sexuelle ou affective et de handicap dans tous les cursus, dès la première année.
- L’allocation de ressources supplémentaires pour les enseignements portant sur le genre, les sexualités et les discriminations validistes, classistes basées sur l’appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, sexistes ou queerphobes.
- L’interdiction formelle des remarques et des contenus à caractère queerphobe validiste, classiste, discriminant sur la base de l’appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, ou à caractère sexiste dans les cours et activités de recherche par des mesures dissuasives à l’encontre de leurs auteur·rice·x·s.
- Une visibilité équitable de la production scientifique des chercheur·euse·x·s invisibilisé·e·x·s dans les programmes et bibliographies de l’ensemble des enseignements dispensés, par la mise en place de règles claires pour lutter contre les biais occidentalo-centrés, sexistes, queerphobes, validistes, classistes ou basés sur l’appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse.
- La lutte contre les biais occidentalo-centrés, basés sur l’appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, sexistes, queerphobes, validistes ou classistes dans l’organisation de conférences, colloques et autres événements académiques, ainsi qu’une représentation équitable et juste des groupes opprimés.
- Des comités scientifiques et des doctorats honoris causa représentant de manière juste des groupes opprimés par des discriminations classistes, basées sur l’appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, sexistes, queerphobes ou validistes.
- La lutte contre les biais discriminants dans les processus d’évaluation des étudiant·e·x·s par la mise en place d’un système de copies anonymisées.
5) La suppression des inégalités professionnelles au sein de l’UNIL.
Parce qu’en tant qu’institution employeuse reconnue, l’UNIL se doit d’être exemplaire et d’agir en adéquation avec les enjeux qu’elle soulève en matière d’égalité, nous demandons :
- La garantie d’un accès juste aux postes stables dans toutes les sections et filières pour les groupes opprimés en raison de leur(s) handicap(s), leur classe, leur appartenance réelle ou supposée à une catégorie ethnoraciale ou religieuse, leur genre ou leur orientation sexuelle et affective.
- La mise en œuvre, dans chaque faculté, de mesures d’amélioration du fonctionnement des comités de recrutement et d’évaluation en matière d’égalité et de non-discrimination.
- Une formation obligatoire, pour les personnes en charge du recrutement, visant la prise de conscience et l’apprentissage de méthodes pour surmonter les biais susceptibles d’apparaitre de manière inconsciente lors d’entretiens ou d’auditions.
- Le rappel de l’interdiction des questions concernant la vie personnelle et familiale dans les entretiens et auditions et la mise en place de mesures qui garantissent le respect de cette règle.
- Un audit régulier de chaque faculté concernant l’application effective des règles d’égalité et de non-discrimination dans l’emploi et le travail.
- L’assurance que tout le personnel, indépendamment de son statut, de sa fonction ou de son appartenance éventuelle à un ou plusieurs groupes opprimés, accède aux différentes opportunités de promotion à sa disposition et la mise en place de véritables plans de carrière prenant en compte les souhaits d’évolution professionnelle des travailleur·euse·x·s, en particulier pour le personnel administratif et technique.
- La revalorisation des plus bas salaires et en particulier ceux des postes administratifs et techniques, très majoritairement occupés par des personnes issues de groupes opprimés.
- L’augmentation des effectifs administratifs et techniques, afin de compenser la charge accrue de travail dû à l’augmentation des effectifs d’étudiant·e·x·s.
- La réduction de la pression sur les post-doctorant·e·x·s et les étudiant·e·x·s de thèse, notamment en garantissant que le pourcentage d’activité travaillé sera le pourcentage payé.
- Dans la continuité d’une revendication du comité unitaire “On a les Crocs” sur l’internalisation des cafétérias, l’engagement de la direction de ne pas sous-traiter le travail d’entretien et de sécurité des locaux à des prestataires extérieurs, afin de ne pas contribuer à la dégradation des conditions de travail des personnes les moins rémunérées qui assurent des tâches largement invisibilisées et pourtant essentielles au fonctionnement de l’institution.
- À la direction d’exiger des prestataires de services officiant sur les campus d’offrir des conditions de travail et d’emploi au moins égales à celles des salarié·e·x·s de l’institution.
- Une représentation juste des groupes opprimés en raison de leur orientation sexuelle, leur(s) handicap(s), leur classe, leur appartenance réelle ou supposée à des catégories ethnoraciales ou religieuses ou leur genre dans toutes les instances consultatives et décisionnaires de l’UNIL (facultés, commissions, postes de rectorat, présidence, décanats et chef·fe·x des services centraux).
6) L’octroi d’un budget à la hauteur des enjeux et la mise en place de mécanismes de suivi de la politique d’égalité et de lutte contre les discriminations de l’UNIL.
Parce que la mise en œuvre de l’égalité nécessite un engagement fort de l’UNIL et des moyens importants pour faire changer les pratiques et les mentalités, nous demandons :
- La création d’un budget dédié aux événements et actions féministes organisées sur le campus par les associations et collectifs de l’UNIL.
- La création d’instances et de dispositifs de suivi des mesures pour l’égalité et prises en réponse à ces revendications, impliquant le corps estudiantin, le corps enseignant, le personnel administratif et technique.
- La mise en place d’un système de bourse à la hauteur des besoins et un accès élargi aux aides étudiantes.
- La prise en compte et la mise en place d’actions concrètes suivant les revendications des collectifs et associations de l’UNIL luttant contre la précarité étudiante (notamment “On a les Crocs”, SSP-étudiant·e·x·s et SUD).